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Évaluer la performance et le fonctionnement de son CA, plus qu’une question de principe !
Chronique rédigée par :
Patrice Blais
Conseiller en développement stratégique des entreprises
Devenir administrateur au conseil d’administration (CA) d’une entreprise à gouvernance collective, c’est l’équivalent de décrocher un nouvel emploi en termes de responsabilités, mais sans en avoir la rémunération. Cela demande un grand engagement et il est sine qua non d’adhérer aux valeurs et à la mission de l’entreprise que l’on s’apprête à co-gouverner. En effet, gouverner une entreprise collective, c’est d’abord et avant tout collaborer ou co-gouverner, car on ne décide jamais seul de l’avenir d’une entreprise à gouvernance collective. Par conséquent, les individualistes devraient s’abstenir d’accepter un siège comme administrateur au CA d’une telle personne morale.
Intégrer un CA, ça revient à se joindre à l’équipe du quartier des officiers à bord d’un grand bateau, un voilier ou une galère, pour un voyage avec une destination prédéterminée par une planification stratégique (Itinéraire). En montant à bord, on se rend bien vite compte que certains officiers sont là depuis déjà un certain temps. On va devoir trouver un moyen de s’accorder tout au long de ce voyage avec ces individus qui nous sont parfois connus, mais rarement familiers. Que ce soit par collège électoral suite à une Assemblée Générale Annuelle (AGA) ou parce qu’on a été nommé en raison de ses compétences particulières pour venir renforcer l’expertise de ce groupe de dirigeants, il faudra s’engager à travailler aussi dur que ses pairs pour amener le bateau à bon port, l’entreprise collective à destination.
La fonction d’administrateur est balisée par une quantité non négligeable de cadres et de règles enchâssés dans différentes Lois, mais également dans des règlements et des politiques qui ont été adoptés tout au long de l’existence de l’entreprise collective, de ses différents voyages. L’une des premières responsabilités d’un administrateur est de bien connaître, intégrer, voir même maîtriser ces cadres et ces balises.
Derrière ces cadres et ces balises, il existe une liste de 18 bonnes pratiques de gouvernance qui elles-mêmes découlent de 5 grands principes nommés les principes de gouvernances stratégiques*. Ces principes de gouvernance auxquels doit absolument adhérer tout administrateur d’entreprise collective sont :
- Le principe d’imputabilité
- Le principe de solidarité
- Le principe d’intégrité
- Le principe de délégation
- Le principe de pérennité
Bien que ces principes soient tout aussi importants les uns que les autres, pour les fins du présent article, nous ne nous attarderons que sur le troisième, celui de l’intégrité. Pour Malenfant (2009), « l’intégrité consiste à être en harmonie avec ses valeurs personnelles et avec celles du groupe », donc celles du CA ou de l’entreprise pour laquelle on est administrateur. D’où l’importance mentionnée précédemment d’adhérer aux valeurs de l’entreprise qu’on s’apprête à co-gouverner.
Malenfant (2009) renchérit en expliquant que : « L’intégrité, pour reprendre des termes de Covey (1996a), participe activement à la création de la confiance nécessaire à la coopération ».
En d’autres termes, l’intégrité est le principe fédérateur du comportement à adopter lorsqu’on se retrouve administrateur au CA d’une personne morale à gouvernance collective. C’est d’ailleurs à partir de ce principe d’intégrité que l’on peut définir les bons comportements facilitateurs à adopter entre administrateurs. Ces comportements facilitateurs également nommés les compétences de la coopération sont :
- Communiquer efficacement
- Établir une confiance mutuelle et une reconnaissance
- Prendre des décisions concertées
- Gérer les conflits et résoudre les problèmes
- Travailler en équipe
Dans les 18 bonnes pratiques de gouvernance établies par Malenfant (2009), trois réfèrent au principe d’intégrité :
« 1- Le conseil d’administration se donne un cadre éthique qui guide ses décisions, son fonctionnement et celui de l’organisation. »
Il est question ici de politiques de gouvernance et de code d’éthique et de déontologie.
« 2- Les administrateurs font la différence entre leurs différents rôles (Administrateur, bénévole, membre, etc.) »
On parle ici des bons comportements à adopter en CA et en dehors des CA lorsqu’on intervient avec chacun de ses différents chapeaux, dont celui d’administrateur.
« 3- Le conseil procède annuellement à l’évaluation du rendement des administrateurs, du conseil comme entité, de ses comités, et du directeur général. »
Évidemment, lorsqu’on parle d’intégrité, on parle aussi notamment de conflits d’intérêts et de l’importance d’honorer ses engagements. Pour cette raison, les aspects juridiques à considérer lors de l’évaluation du conseil d’administration seront abordés dans le cadre de la prochaine Chronique du Consortium.
Pourquoi évaluer la performance et le fonctionnement du CA ?
Tel qu’exposé en début d’article, il existe une multitude de balises pour permettre aux administrateurs de bien jouer leurs rôles et assumer adéquatement leurs responsabilités de dirigeants. Si l’un ou l’autre de ces rôles est moins bien joué ou l’une ou l’autre de ces responsabilités est moins bien assumée, les risques d’accident de parcours, d’échouage ou de « naufrage » deviennent plus importants. Évaluer son CA une fois par année, ça sert notamment à :
- S’assurer que notre bateau (entreprise) ne prend pas l’eau et qu’il restera à flot (rentable) jusqu’à destination (vision de l’entreprise);
- Comprendre comment améliorer la trajectoire de l’entreprise en assurant une vigie sur les tempêtes à l’horizon, sur les effectifs et les ressources disponibles dans des délais raisonnables et de façon systématique (bilan de l’état des finances à chaque CA);
- Améliorer l’arrimage comportemental entre le commandant (Président) et le capitaine (DG) afin de les amener à mieux collaborer en toute confiance dans l’établissement d’un itinéraire fiable (ordre du jour) et dans la rédaction du journal de bord (procès-verbaux);
- Définir quels sont les cadres et balises (politiques) manquants ou ceux qui commencent à être désuets pour ensuite mandater un comité qui les rédigera ou les remettra à jour;
- Mesurer l’engagement des dirigeants (officiers) à travers leurs façons respectives d’arriver préparés ou non aux réunions du CA;
- Valider la rigueur avec laquelle on s’assure de l’intégrité de la coque (identification des principaux risques de l’entreprise et mesures pour les contenir);
- Vérifier que les services offerts à bord répondent en priorité aux besoins des passagers (membres);
- Etc.
En somme, pour toutes ces implications et encore bien d’autres, il est impératif de procéder à l’examen du fonctionnement et de la performance du CA sur lequel on s’est engagé. Il est très hasardeux de naviguer à vue dans le brouillard sans savoir si notre gouvernail fonctionne de façon optimale. Il est également très peu responsable de ne se fier qu’au Président ou au Directeur général sans poser de question tout au long du trajet. Si on est chanceux, il se peut qu’on se rende à destination sans écueils, mais la plupart du temps, les entreprises collectives qui passent outre cette évaluation annuelle vont tôt ou tard échouer sur un haut fonds ou sur un récif par manque d’implication de l’équipage.