Agir « vite et bien » : une nécessité lorsqu’un problème « humain » se manifeste

Chronique rédigée par :
Emond Sabrina

Jean-François Dumas
Conseiller principal en ressources humaines

Nous vous proposons une série de trois articles portant sur les actions requises lorsque les personnes employées nous posent un défi de gestion. Nous verrons, dans le présent article, pourquoi l’action est nécessaire. Dans un prochain article, nous discuterons des actions requises avec les employés problématiques et nous terminerons cette série en discutant des approches lorsque c’est le collectif de travail qui présente un enjeu.

Exprimons d’abord la nécessité d’agir avec célérité lorsque l’humain devient un enjeu. De manière classique, cette nécessité s’est exprimée par les obligations légales, les enjeux de mobilisation, l’équité et la reconnaissance. Depuis quelques années, les auteurs s’intéressent à une conséquence catastrophique supplémentaire à l’inaction devant les problèmes humains, qui a toujours été présente, mais dont les retombées négatives ont pris de l’ampleur avec l’émergence du télétravail : le sentiment d’injustice en entreprise.

Prenons pour exemple celui de vos employés dont le comportement est irréprochable. Il perçoit que le comportement inadéquat d’un collègue est toléré par son patron. Il le vit comme une injustice. Le sentiment d’injustice est souvent perçu comme une attaque. La personne qui en est victime peut même développer des maladies invalidantes graves ou prolongées, généralement associées au stress[i], telles que des troubles cardiaques[ii] et l’épuisement professionnel[iii]. Au niveau de l’entreprise, ce sentiment d’injustice, vécu par les personnes employées, les justifie alors d’adopter, à leur tour, un comportement déviant. Souvent, ce comportement déviant est assez longtemps non visible de la part du patron, mais généralement reconnu rapidement par ses pairs. On a alors une boule de neige qui grossit, une grave maladie organisationnelle qui prend de l’ampleur. Les auteurs du livre Le sentiment d’injustice en entreprise, anticiper pour assurer la performance[iv], évoquent à ce sujet le « schadenfreude », un terme allemand sans mot correspondant en français, qui évoque le plaisir devant le malheur de quelqu’un. Il s’agit du comportement vengeur de l’employé désengagé qui sabote son employeur. Ce comportement a des coûts importants pour les entreprises, puisqu’il va demeurer invisible un certain temps.

Les auteurs illustrent cela par la personne employée qui affirme faussement que la gestionnaire n’a pas de disponibilités pour une rencontre. Celle qui se réjouit que la gestionnaire perde en crédibilité en présentant un rapport erroné. Tout aussi destructeur et encore plus invisible, des personnes employées se vengeront en travaillant à une vitesse bien inférieure à leur potentiel. Certaines oseront même des activités personnelles sur le temps de travail rémunéré (ou, à l’extrême, le job stacking[v]). D’où la « démission silencieuse », évoquée notamment par Sonia Lupien dans Le stress au travail vs le stress du travail. Le point commun de toutes ces personnes aux comportements aussi coûteux qu’invisibles et déviants : elles se sentent justifiées d’agir ainsi.

Par conséquent, rapidement, la tolérance de l’intolérable mobilise les personnes employées, mais pas dans le sens souhaité par la personne gestionnaire. Le sentiment d’injustice associé, notamment à la tolérance de ce que l’employé perçoit comme intolérable, deviendra un obstacle à la création d’un milieu de travail sain. Le milieu de travail pourrait se scinder dans une dynamique conflictuelle de type « nous versus eux », où les personnes soucieuses d’effectuer un bon travail seront confrontées par les autres, qui vivent leur « schadenfreude » et qui sont en « démission silencieuse ». De telles situations mènent souvent à l’application de la politique et de la procédure en matière de prévention du harcèlement, de la violence et des conflits de l’entreprise, pour faire suite aux plaintes des employés des deux camps.


En matière de création et de maintien d’un climat de travail sain, l’employeur a plusieurs obligations minimales prévues à la Loi, dont notamment :

  1. Prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur ;[vi]
  2. Mettre en place un programme de prévention des risques qui inclut les risques psychiques [vii];
  3. Prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement ;
  4. Se doter d’une politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement.[viii]

Pour les personnes en situation de gestion qui souhaiteraient prévenir le sentiment d’injustice dans leur entreprise, les auteurs du livre Le sentiment d’injustice en entreprise – Anticiper pour assurer la performance proposent un modèle de justice organisationnelle, qui repose sur trois dimensions :

  1. La justice distributive (un salaire équitable, des avantages et des promotions liées au mérite…) ;
  2. La justice procédurale (des processus décisionnels connus et reconnus pour empêcher le favoritisme) ;
  3. La justice relationnelle (la qualité du traitement reçu, les explications fournies, la qualité de la personne qui fournit les explications, la ponctualité des explications fournies, le respect et la dignité avec lesquels on traite la personne).

Bref, il est nécessaire, devant une personne employée en difficulté ou difficile, ou encore un collectif de travail en difficulté ou difficile, d’agir avec ponctualité et de la bonne manière. Ce sont des situations délicates qui imposent un moment de vérité à la personne gestionnaire et qui exigent de fines connaissances en gestion des ressources humaines. Un professionnel en gestion des ressources humaines aguerri pourra supporter la personne gestionnaire aux prises avec de tels défis ou qui souhaite les prévenir, notamment en posant un diagnostic adéquat et en recommandant les actions appropriées. Cela fera d’ailleurs l’objet de nos prochaines chroniques.

Un aspect de cette chronique a attiré votre attention et suscite votre intérêt ? N’hésitez pas à joindre l’auteur : jfdumas@ressources.coop.

Références

[i] Lupien, Le stress au travail vs le stress du travail, Éditions Va Savoir, 2023.
[ii] De Vogli, Ferrie, Chandola, Kivimäki et Marmot, Unfairness and health: Evidence from the Whitehall II Study, Journal of Epidemiology and Community Health, 2007.
[iii] Wigert, Agrawal, Gallup’s Perspective on Employee Burnout : Causes and Cures, 2018.
[iv] Bertholet, Gaudet, Robert, Le sentiment d’injustice en entreprise — Anticiper pour assurer la performance, Mardaga, 2021.
[v] Halta, Job stacking : Leverage the advent of remote work into more money and security, 2021.
[vi] Article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail
[vii] Article 59 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail
[viii] Article 81.19 de la Loi sur les normes du travail

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