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La gouvernance collective comportementale : la diagnostiquer pour mieux la baliser !

Chronique rédigée par :

Cooper Daniel

Patrice Blais

Conseiller en développement stratégique des entreprises

Le fonctionnement d’un conseil d’administration est soumis à différents facteurs dont on ne comprend pas toujours l’essence et l’origine. Par conséquent, travailler en équipe est un art qui impose une certaine concertation entre les administrateurs. La concertation est une pratique qui consiste à rechercher un accord ou une entente en vue d’une prise de décision ou d’un projet commun. Cet accord implique toutes les personnes concernées, qu’elles aient des intérêts convergents, complémentaires ou même divergents. En somme, la réussite d’une concertation est d’abord soumise à des facteurs d’influence qui sont propres aux individus qui en sont parties prenantes.

Tous ces administrateurs ont certes un intérêt en regard de la mission organisationnelle, du moins, ils en ont le devoir éthique. Toutefois, ils ont également des impératifs individuels face à leurs valeurs personnelles, à leurs personnalités respectives, mais également face aux balises induites par les organisations, les secteurs ou les territoires qu’ils représentent.

Si vous êtes actuellement ou que vous avez déjà été membre d’un CA d’entreprise à gouvernance collective, vous avez probablement eu l’occasion de constater que le maintien d’un bon climat de collaboration, lors des réunions, est un enjeu de première importance. Peut-être avez-vous même été témoin d’échanges musclés entre deux ou plusieurs administrateurs, obligeant parfois la présidence à ajourner la rencontre pour apaiser les esprits en ébullition.

Le cas échéant, vous vous êtes possiblement questionné sur votre intérêt à participer à ces rencontres pénibles, jusqu’à vous demander si vous n’alliez pas démissionner du CA et vous aviez sans doute raison de vous questionner ainsi. En effet, il peut être extrêmement déplaisant d’assister à des rencontres de CA tendues et certains individus peuvent être davantage affectés que d’autres, tout dépend de leur profil psychométrique et de leur tolérance à la discorde. Face à cette réalité, un administrateur constate inévitablement que le bon déroulement d’une rencontre du CA peut parfois s’avérer extrêmement complexe à maintenir.

Pour mieux comprendre comment s’opère la gouvernance collective d’une entreprise (OBNL ou COOP), permettons-nous de la diviser en trois grandes sphères ou catégories distinctes. Commençons par la sphère de la gouvernance légale, qui concerne plus particulièrement l’application des différentes lois qui influencent le fonctionnement des entreprises collectives et plus particulièrement leur gouvernance. On parle notamment des pratiques relatives à la constitution, la fusion, la dissolution de ses entreprises, mais on fait également référence à plusieurs documents et outils qui encadrent leur fonctionnement comme les règlements de régie interne ou encore les contrats de membre à titre d’exemples. Par ailleurs, plusieurs rôles, responsabilités et pouvoirs du CA sont également balisés par différentes lois comme c’est notamment le cas dans la loi sur les coopératives, par exemple. Cette sphère de gouvernance réfère aux deux premières fonctions d’un CA telles que définies par l’auteur Roméo Malenfant, Ph.D. dans son ouvrage intitulé « La gouvernance et le conseil d’administration » [1]. Ce sont les fonctions « morales » et « légales ». En somme, sachez que pour accompagner votre personne morale dans l’amélioration de cette sphère de gouvernance dite « légale », vous aurez nécessairement besoin des services d’un juriste, car ce type de service-conseil est qualifié d’acte réservé par le Barreau du Québec. Pour plus de détails sur les actes réservés, vous pouvez consulter les articles 128 à 129 du chapitre B1 de la Loi sur le Barreau [2].

La seconde sphère est celle de la gouvernance technique et elle concerne plus particulièrement les règles de bonne gouvernance du CA également nommées les bonnes pratiques. Dans son ouvrage ci-haut cité, Malenfant (2009) couvre de long en large l’ensemble du spectre de la gouvernance technique. On peut donc y trouver des références relatives aux 5 principes de gouvernance stratégique ainsi qu’aux 18 bonnes pratiques qui y sont associées. Il y est également question des différents comités de base et des politiques pouvant venir en appui au CA. Trois fonctions sont sous-jacentes à cette gouvernance technique. Celles-ci sont les fonctions « planification », « évaluation » et « représentation ». Cette sphère de la gouvernance collective a déjà fait l’objet d’une première chronique [3] plus tôt cette année en ce qui concerne la fonction évaluation.

Pour en revenir au thème principal de notre chronique, la troisième sphère, et la moins connue, est celle de la gouvernance comportementale. Ce volet de la gouvernance est directement lié à l’individu qui doit interagir avec d’autres individus pour mener à bien la mission collective de l’entreprise. On peut également la nommer « dynamique d’équipe » et elle fait référence à la théorie des petits groupes telle que définie par Yves St-Arnaud, Ph.D. dans son ouvrage « Les petits groupes, participation et animation » [4]. Ce type de gouvernance réfère au savoir-être (socle des valeurs), au savoir-agir ainsi qu’aux compétences comportementales de la coopération, qu’elles soient maîtrisées ou non par les administrateurs. Elle réfère en partie à la dernière fonction du CA définie par Malenfant et qu’il a nommée « Service d’un administrateur ». Il est ainsi question d’un engagement personnel à se mettre au service de la mission collective de l’entreprise en partageant les valeurs et la vision de celle-ci, en mettant à contribution son expertise personnelle, son réseau de contacts politiques/financiers et en défendant sa réputation. En outre, s’outiller pour une meilleure gouvernance collective signifie également d’intégrer des règles d’interaction ou de facilitation des échanges pour éviter les débats trop houleux ou les débordements induits par un choc de valeurs entre les dirigeants d’un CA.

Maintenant que la trinité des sphères de la gouvernance collective est établie, regardons de plus près les facteurs qui influencent la gouvernance comportementale et comment on peut outiller une équipe de dirigeants à améliorer sa dynamique. Comme précisé plus haut, cette 3e sphère de la gouvernance concerne la façon d’être et d’agir des individus administrateurs siégeant au CA. Si on fait abstraction des postes d’officiers (présidence, vice-présidence, secrétariat et trésorerie) qui ont des rôles bien précis, on convient que tous ces administrateurs ont le même rôle et les mêmes responsabilités de base. Ils ont tous le même devoir d’engagement envers la mission de l’organisation pour laquelle ils ont été élus ou nommés.

 

Alors pourquoi retrouve-t-on aussi souvent de la discorde ou des désaccords autour des tables de CA d’entreprises collectives ?

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En raison de l’induction de valeurs et d’intérêts divergents non affichés.

Ainsi, on aura beau expliquer encore et encore que le plus important rôle d’un administrateur est de défendre les intérêts de l’organisation qu’il co-gouverne, il y aura toujours des biais cognitifs de jugement imposés par l’induction d’intérêts provenant de l’externe.

Par exemple, un CA est généralement composé d’entre 3 et 15 individus qui sont souvent élus par des collèges électoraux formés des membres d’un groupe d’appartenance sectoriel ou territorial. Or, ce lien d’appartenance d’un administrateur à un secteur ou à un territoire offre déjà un haut risque de biais cognitif de jugement. L’individu se retrouvant dans cette situation sera souvent porté à prendre d’abord position en faveur des intérêts du secteur ou du territoire qu’il représente au lieu de prendre position en faveur des intérêts de l’entreprise, dont il est dirigeant au même titre que les autres membres du CA.

Ce même biais cognitif de jugement peut également se vivre dans d’autres cas d’espèce. Ainsi, il arrive qu’un administrateur soit délégué par son employeur/entreprise pour le représenter au CA d’une organisation partenariale de second niveau telles une fédération ou une association sectorielle nationale par exemple. Dans ces conditions, et à titre d’employé salarié de son délégateur, il est encore plus difficile pour cet individu de comprendre qu’il ne doit pas prendre parti en faveur des intérêts de son employeur, mais bien en faveur des intérêts de la fédération ou de l’association pour laquelle il est imputable. Ce dernier cas de figure est plutôt fréquent au sein des associations nationales et des fédérations parce que dans la majorité de ces organisations, on voudra avoir une composition du CA représentant le plus fidèlement possible la provenance géographique des membres.

Cela dit, la position des administrateurs d’un CA n’est pas influencée que par l’induction d’intérêts liés à leur représentation ou leur délégation. Ainsi, lorsqu’un individu est élu au CA d’une organisation à gouvernance collective, il arrive avec sa personnalité et son propre socle de valeurs. Ces valeurs qui l’ont guidé dans ses prises de décisions tout au long de sa vie vont nécessairement continuer à l’influencer jusque dans ses décisions comme dirigeant de ce CA. Tout nouvel administrateur a tôt fait de prendre conscience que les décisions de son CA ne sont pas toujours en phase avec ses propres valeurs personnelles, ce qui à priori pourrait en choquer plusieurs, au risque de déstabiliser le climat de travail et la dynamique du groupe. Par ailleurs, au-delà du fait de devoir adhérer aux valeurs de l’entreprise, cet individu se rendra également compte que les autres administrateurs ne partagent pas toujours son point de vue et que généralement, les points de vue divergents sont très souvent influencés par des valeurs divergentes sous-jacentes ou non affichées. S’ensuivent alors des débats qui peuvent donc s’avérer houleux par moment, au point de pousser certains administrateurs à démissionner de ce CA.

 

Comment faire alors pour éviter les conflits et les dérapages non contrôlés lors des réunions ?

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En réalisant d’abord un diagnostic de gouvernance comportementale via la production d’un sociogramme d’équipe.

Généralement associé à un modèle psychométrique, le sociogramme d’équipe est l’outil idéal pour identifier le niveau de cohésion d’un groupe, les risques de collision entre les individus et il permet également de déterminer les angles morts de l’équipe, c’est-à-dire les tâches ou les responsabilités pour lesquelles l’équipe est faible ou mal outillée. L’information générée par un sociogramme permet de mieux comprendre les dynamiques comportementales individuelles et les interactions entre les membres du groupe. En somme, il met en relief les valeurs convergentes et divergentes des individus impliqués pour permettre de pointer des pistes d’amélioration et ainsi ramener le centre d’attention sur les 5 compétences comportementales de la coopération que sont :

  1. La communication efficace ;
  2. L’établissement d’une confiance et d’une reconnaissance mutuelle ;
  3. La prise de décision concertée ;
  4. La gestion des conflits et la résolution des problèmes ;
  5. Le travail d’équipe efficace.

Au terme d’un exercice de sociogramme d’équipe, les risques de dérapage en CA diminuent drastiquement de 85 à 90 % pour la simple raison qu’à partir du moment où les profils comportementaux des administrateurs sont identifiés, les mécanismes d’autorégulation de compréhension et de respect de l’autre sont plus facilement enclenchés. Il en résultera alors une amélioration significative du climat de travail au sein du CA et souvent une plus grande efficacité des réunions. Il est à noter que le second CA suivant l’assemblée générale annuelle est le meilleur moment pour réaliser un tel diagnostic avec l’aide d’un professionnel. Pour que l’exercice soit efficace, il faudra prévoir un moment d’environ 75 minutes pour réaliser la présentation du sociogramme de l’équipe du CA. Le résultat de ce diagnostic permettra ensuite au CA de mettre en application les recommandations qui en découleront. Ces dernières peuvent être multiples et peuvent concerner le suivi par un coach en gouvernance, l’adoption d’un code de bonne conduite des administrateurs, une formation en communication bienveillante, une charte d’engagement à une participation active et responsable, etc.

 

En conclusion, un conseil d’administration qui s’outille pour mieux baliser sa gouvernance comportementale est un CA où les administrateurs demeureront probablement plus longtemps en poste. Conséquemment, un CA composé d’administrateurs expérimentés est généralement mieux perçu par ses partenaires politiques et financiers ; ce qui facilite la pérennité de l’entreprise collective.

Si vous êtes intéressé par un diagnostic en gouvernance comportementale, sachez qu’il existe des aides financières pour soutenir votre démarche via l’accompagnement d’un conseiller spécialisé du Consortium.


[1] Malenfant, Roméo (2009), La gouvernance et le conseil d’administration, Éditions D.P.R.M. 284 p.

[2] https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/B-1/

[3] https://leconsortium.coop/evaluer-performance-et-fonctionnement-ca-plus-qu-une-question-de-principe/

[4] St-Arnaud, Yves (2008), Les petits groupes 3e éd. Gaetan Morin éditeur, (2008).

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