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Impact de la COVID-19 sur les contrats

DROIT | AVRIL 2020

Un membre du Consortium désirait connaître les effets de la survenance de la Covid-19 sur les obligations qui lui incombent en vertu de contrats intervenus avec ses partenaires.

Cette question met en relief la notion de « force majeure » et ses effets sur les obligations contractuelles. D’emblée, il convient de mentionner que la pandémie contemporaine ne sera pas automatiquement considérée comme une force majeure : cette qualification dépend, notamment, des circonstances entourant la conclusion du contrat et de la nature des obligations qui en découlent.

1. Notion de force majeure

La notion de force majeure est définie à l’article 1470 du Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991 (le « Code civil »). En voici un extrait :

« 1470. Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, à moins qu’elle ne se soit engagée à le réparer.

La force majeure est un évènement imprévisible et irrésistible; y est assimilée la cause étrangère qui présente ces mêmes caractères »

(nos soulignements)

Selon les critères établis par la jurisprudence, un évènement sera considéré comme une force majeure dans l’éventualité où ces trois critères sont satisfaits :

a) L’évènement est imprévisible : au sens qu’une personne raisonnable n’aurait pu prévoir sa survenance au moment où l’obligation a été contractée;

b) L’évènement est irrésistible : en ce que celui- ci entraîne l’impossibilité absolue pour la personne prudente et diligente d’exécuter les obligations qui lui incombent; et

c) L’évènement est extérieur : signifie que celui-ci doit se situer en dehors du domaine d’activités dont le débiteur est normalement responsable.

Selon les circonstances, la force majeure pourrait découler du fait de la nature (notamment, un tremblement de terre, une inondation, du verglas, un incendie, etc.) ou du fait d’un être humain (une guerre, une émeute, une déclaration d’état d’urgence, une grève, etc.).

Ainsi, la survenance de la Covid-19 pourrait être considérée comme une force majeure au sens du Code civil, dans la mesure où le débiteur peut démontrer au tribunal que la pandémie rencontre les trois critères ci-haut mentionnés et sous réserve de certaines exceptions.

À titre de précision, la preuve selon laquelle l’exécution d’une obligation par le débiteur est devenue significativement plus difficile ou plus coûteuse en raison d’un évènement donné ne suffira pas à qualifier cet évènement d’une force majeure. 

2. Disposition particulière au contrat

Il peut arriver qu’un contrat renferme une clause relative à la force majeure. Celle-ci pourrait prévoir tant la définition d’un tel évènement que ses conséquences légales.  

À ce propos, les tribunaux ont reconnu que la définition de force majeure prévue au Code civil n’est pas d’ordre public. Par conséquent, un contrat pourrait renfermer une clause qui élargit considérablement la notion de force majeure en y assimilant des évènements qui ne satisfont pas normalement les critères établis par la jurisprudence. À l’opposé, les parties à une entente pourraient restreindre cette notion en y associant qu’une liste limitée d’évènements. Dans les deux cas, la présence d’une clause de force majeure est susceptible d’influencer les conséquences légales découlant d’un évènement imprévisible et irrésistible.

3. Effet de la force majeure

Les articles 1693 et 1694 du Code civil prévoient les conséquences légales de la survenance d’une force majeure en matière contractuelle, en l’absence de toute disposition contraire au contrat. En voici un extrait :

« 1693. Lorsqu’une obligation ne peut plus être exécutée par le débiteur, en raison d’une force majeure et avant qu’il soit en demeure, il est libéré de cette obligation; il en est également libéré, alors même qu’il était en demeure, lorsque le créancier n’aurait pu, de toute façon, bénéficier de l’exécution de l’obligation en raison de cette force majeure; à moins que, dans l’un et l’autre cas, le débiteur ne se soit expressément chargé des cas de force majeure.

La preuve d’une force majeure incombe au débiteur.

1694. Le débiteur ainsi libéré ne peut exiger l’exécution de l’obligation corrélative du créancier; si elle a été exécutée, il y a lieu à restitution.

Lorsque le débiteur a exécuté son obligation en partie, le créancier demeure tenu d’exécuter la sienne jusqu’à concurrence de son enrichissement. »

(nos soulignements)

Ainsi, dans la mesure où la force majeure est établie et sous réserve de certaines exceptions, le débiteur sera libéré de son obligation devenue impossible à exécuter. En revanche, le créancier sera également libéré de son obligation corrélative.

Prenons l’exemple d’une force majeure prenant la forme d’un incendie causé par la foudre et survenu dans un hôtel, de nature à empêcher le propriétaire de l’établissement de procurer à ses clients la jouissance paisible de leur chambre. Dans un tel cas de figure, le propriétaire ne pourra pas exiger à un client de lui verser les frais payables pour la réservation d’une chambre dont la jouissance est devenue impossible. Au surplus, le propriétaire devra rembourser les sommes reçues de la part de son client relativement à une telle réservation. Cependant, le client qui séjournait à l’hôtel depuis déjà quelques jours avant l’incendie devra verser au propriétaire de l’hôtel les frais payables pour les jours où le client aura pu profiter normalement de sa chambre.

4. Exceptions

Malgré ce qui précède, la preuve de la survenance d’une force majeure ne libère pas nécessairement le débiteur de ses obligations. En effet, une force majeure n’aura pas pour effet de libérer le débiteur lorsque celui-ci a contracté une obligation de garantie. Nous sommes en présence d’une obligation de garantie lorsque le débiteur a pris en charge les risques découlant de la survenance d’un évènement imprévisible et irrésistible. Cette qualification peut découler, notamment, de l’effet de la loi ou des termes employés dans le contrat intervenu entre les parties, d’où l’importance d’analyser systématiquement le contenu de celui-ci.

De plus, le débiteur ne sera pas non plus libéré de son obligation lorsque celui-ci était en demeure de l’exécuter au moment de la survenance de la force majeure. Le sens logique de cette exception découle du fait que l’obligation aurait dû être exécutée par le débiteur, et ce, avant l’arrivée de l’évènement imprévisible et irrésistible rendant impossible son exécution.

5. Conclusion

La survenance de la pandémie contemporaine est susceptible d’entraîner des effets sur les obligations contractuelles. Cependant, une multitude de facteurs devront être pris en considération afin de déterminer si cet évènement entraîne la libération totale ou partielle du débiteur.

Voici quelques éléments qui devront être analysés :

a) À quel moment l’obligation a-t-elle été contractée? À ce moment, la survenance de la pandémie était-elle prévisible?

b) Le débiteur peut-il exécuter son obligation en employant des moyens plus onéreux?

c) Le contrat prévoit-il une obligation de garantie ou d’une clause relative à la force majeure?

d) Le débiteur était-il en défaut et en demeure d’exécuter son obligation au moment de la survenance de la pandémie?

e) L’obligation a-t-elle déjà été exécutée? Le cas échéant, le créancier doit-il restituer la prestation?

Selon les circonstances, il pourrait être plus avantageux pour les parties de conclure une nouvelle entente afin d’y prévoir expressément les conséquences de la pandémie sur leurs obligations contractuelles. En outre, dans l’éventualité où la pandémie entraînait des pertes de revenus pour votre entreprise ou rendait impossible l’exécution de certaines de vos obligations, il serait judicieux de vérifier le contenu de vos polices d’assurance : celles-ci pourraient couvrir certains risques découlant d’une force majeure.

Si vous désirez obtenir l’heure juste sur l’effet de la pandémie sur vos obligations contractuelles, ou si l’un de vos partenaires refuse d’honorer ses obligations en se basant sur la survenance de la pandémie, nous vous invitons à communiquer avec les experts du Consortium.

IMPORTANT : Le présent document ne doit en aucun cas être considéré comme un avis juridique. Pour de plus amples informations concernant vos droits et obligations ou pour obtenir un avis juridique valide relatif à la situation particulière vécue par votre entreprise, nous vous invitons à communiquer rapidement avec le Consortium.

En collaboration avec

Me Robert Collard
Conseiller juridique

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